«Le canton de Neuchâtel était riche, ll ne l'est plus »
«Le canton de Neuchâtel était riche, ll ne l’est plus »
C’est par ces mots que le Conseil d’Etat neuchâtelois a ouvert son programme de législature 2006-2009. Conséquence logique: «quand on est pauvre, on se serre la ceinture»; le budget devrait donc baisser de 10%! Pourtant à Neuchâtel, tout le monde n’est pas pauvre. La catégorie des millionnaires se porte bien, elle augmente constamment. On est très heureux pour elle, mais l’autre face de la médaille, c’est l’appauvrissement des plus pauvres. Et l’Etat qui a diminué régulièrement l’impôt des plus favorisés voit forcément ses rentrées diminuer, puisque les seuls dont l’impôt n’a pas baissé sont les revenus bas et moyens, même si ces ont baissé.
Vers une spirale dépressive?
Revenons sur les principales mesures proposées:
Réduire la masse salariale de 10% dans la fonction publique, cela signifie des effectifs en hausse dans les classes, des mesures de soutien en baisse, des enseignant-e-s déjà surmenés qui ne pourront pas faire face. Réduire le coût de l’enseignement, cela conduira finalement à augmenter le nombre des largué-e-s de notre société.
La suppression annoncée de l’octroi automatique des subsides LAMAL va faire mal aux plus pauvres. Est-ce cela la symétrie des sacrifices?
L’université a certes un coût, mais c’est pour le canton une richesse extraordinaire qui permet de diversifier son tissu social, d’enrichir sa culture, de garder sa jeunesse, de dynamiser sa société. On comprend les cantons qui font des pieds et des mains pour obtenir au moins un bout d’université. Les annonces du Conseil d’Etat nous font craindre qu’il s’intéresse surtout à la faculté de microtechnologie, future filiale de l’EPFL, mais où il n’y a que peu d’étudiant-e-s. Le reste de l’uni va connaître de sombres périodes.
En relevant l’âge d’accès à l’aide sociale à trente ans, en liant l’aide à la participation à des programmes d’insertion ou de formation, l’Etat compte faire des économies, mais où les jeunes actuellement à l’aide sociale trouveront-ils un emploi leur assurant une autonomie financière?
Le soutien à la culture n’est pas un luxe pour période de haute conjoncture. Il est une nécessité profonde pour assurer un sens à un «vivre ensemble» bien mis à mal. A notre époque de crises multiples, les activités culturelles doivent être tout particulièrement encouragées. Si nous voulons un avenir durable, nous ne pourrons poursuivre le gaspillage effréné qui caractérise l’activité économique actuelle. Couper dans la culture, c’est des économies à courte vue à effets pervers garantis.
Dans le camp bourgeois, on se frotte les mains. Ils n’auraient jamais osé espérer un tel programme au lendemain d’une victoire de la gauche. Evidemment il y aura toujours l’UDC pour trouver que ce n’est pas assez; eux verraient bien l’Etat réduit à la seule police.
En réduisant le budget de 10%, le Conseil d’Etat fait fausse route.
Le canton a connu des dérives dont nous payons aujourd’hui les conséquences et qu’il s’agit prioritairement de corriger.
Tout d’abord, les salaires sont trop bas. Les patrons, tenant le couteau par le manche, proposent aujourd’hui, aux jeunes en particulier, des salaires si misérables que nombreux sont celles/ceux qui ne sont pas d’accord et préfèrent émarger à l’aide sociale en attendant des jours meilleurs. Il y a deux manières de répondre à ce problème: fermer le robinet de l’aide sociale en espérant contraindre une partie des jeunes à accepter des postes sous-payés ou intervenir de manière volontariste pour fixer des normes salariales qui permettent de vivre normalement de son travail. La première voie est évidemment plus facile,car emprunter la seconde, c’est se mettre à dos toute la classe dirigeante.
Ensuite, les entreprises paient de moins en moins d’impôts. La fausse bonne idée de faire venir des entreprises en les soutenant et en les exonérant d’impôts a maintenant plus de trente ans d’existence dans le canton. Sur 5600 entreprises, 2000 sont exonérées. On nous a présenté cette politique comme étant la seule alternative pour attirer des entreprises créatrices d’emplois. Maintenant, nous en payons les effets à long terme. Peu à peu, dans la culture des patrons, s’instaure l’idée que seuls les idiots paient des impôts et les techniques pour bénéficier des subsides de l’Etat sont parfaitement au point. Il faut restaurer l’impôt des entreprises de toute urgence et rétablir l’égalité des entreprises devant le fisc.
Un pouvoir politique, quand il change, donne toujours un signal. Celui que nous avons reçu du Conseil d’Etat est: on vit trop bien, au-dessus de nos moyens. Est-ce le signal que le PS neuchâtelois entend donner à la gauche suisse?
Le projet de législature a une cohérence globale: réduire le déficit par tous les moyens. Cela signifie couper partout où il n’y aura pas (trop) de résistances. C’est un engrenage, car en réduisant les investissements, les revenus, le train de vie, on réduira les rentrées fiscales.
Osons espérer que les résistances citoyennes, comme celles du conservatoire (enseignant-e-s et étudiant-e-s unis) se multiplient et que le canton n’ira pas à l’abattoir tête basse. Nous encouragerons et soutiendrons toutes les luttes pour la défense de la citoyenneté, de la qualité de vie et de l’égalité.
Henri VUILLIOMENET
Le gouvernement s’est trompé!
C’est ainsi que s’est exprimé Jacques Hainard, mercredi 16 novembre, devant une salle de concert bourrée qui débordait largement sur la rue. C’est que le Conseil d’Etat Neuchâtelois n’a pas fait dans la dentelle dans sa remise en cause du conservatoire. La réaction du monde de la musique a été impressionnante par son militantisme et sa capacité de mettre au centre du débat public la question de la culture. Les autorités devront reculer.
Les acteurs-trices du théâtre indépendant se sont engouffrés dans la brèche ouverte par les musiciens, car ils savent eux aussi que les jours de la politique de soutien à la scène indépendante sont comptés. (hv)